L'apport de la pédagogie PNL dans ma pratique d'orthophoniste

Auteur(s) :

Catherine Lhoste, orthophoniste.

1. Découverte

Il y a quelques années déjà, lors de discussions entre collègues, j’entends parler d’outils vraiment différents, efficaces notamment pour l’orthographe qui sont le résultat du travail sur l’apprentissage d’Alain Thiry, psychologue, enseignant PNL et formateur belge. La majorité de mes patients ayant des troubles du langage écrit, ma curiosité est piquée et je me renseigne afin de pouvoir en savoir un peu plus… ce furent les premiers pas d’une rencontre qui allait changer ma manière de travailler à bien des niveaux.

2. les présupposés et les niveaux logiques : changements au niveau de la relation

• L’une des facettes importante de la PNL est l’ensemble des présupposés qu’elle pose et qui implique un regard différent sur le monde en général et sur le patient en particulier.
« La carte n’est pas le territoire »
« Il n’y a pas d’échec, il n’y a que du feed-back »
« On peut apprendre tout ce que l’on a décidé d’apprendre »
Dans la pratique de la logopédie, je suis bien entendu sans cesse confrontée à des enfants qui sont en difficultés d’apprentissage. Etant spécialisée dans la prise en charge des adolescents, ce sont souvent des patients qui ont un lourd passé d’échec et qui « traînent » avec eux une image peu réjouissante de leurs capacités, voire de leur identité. Leur vécu a souvent, pour ne pas dire systématiquement, entrainé toute une série de croyances limitantes : « je suis nul », « je suis lent », « je n’y arriverai jamais », « les études, ce n’est pas pour moi », etc… et pourtant, s’ils sont là, dans mon cabinet, c’est qu’ils n’ont pas totalement renoncé à apprendre.
Avant l’apport de la PNL dans ma pratique, il m’arrivait souvent de donner involontairement foi à ces croyances, en ayant du mal à imaginer un avenir facile pour certains patients en grosses difficultés. Sans toutefois le verbaliser, cela limitait les objectifs du traitement à ce qui me paraissaient, à moi, atteignable pour le patient. Cela entraînait de fait deux « problèmes » :
• limitation des possibilités pour le patient
Etant la professionnelle, je pensais être plus objective que les parents, plus que les patients eux-mêmes sur ce qu’ils étaient capables ou non de faire. Je sais aujourd’hui que l’on ne peut jamais savoir quelles sont les limites de quelqu’un, simplement parce que ces limites ne sont pas stables, elles sont le résultat d’un système de croyances qui est en évolution permanente et peuvent sans cesse être repoussées.
Aujourd’hui, je ne mets plus de limites à ce qui est possible pour mes patients, je pars du principe que s’ils ont la motivation pour faire l’effort de trouver les ressources, d’acquérir et d’entraîner les bons outils, ils ont les mêmes chances que les autres de réussir à attendre leurs objectifs, et ce, même si leur propre entourage parfois n’y croit pas, même si eux-mêmes n’y croient pas au départ.
• objectifs à atteindre fixés par moi-même
Avant, je faisais mon métier en pensant devoir apporter à chacun de mes patients des solutions à toutes les difficultés observées dans le bilan ou rapportées par les parents ou le corps enseignant et ce même si le patient lui-même n’était pas en demande. Or, seuls des objectifs personnels génèreront suffisamment de motivation pour accepter l’effort d’apprendre.
C’est pourquoi aujourd’hui, mes objectifs sont avant tout ceux que le patient lui-même se fixe à un tempsT. Ici encore, ces objectifs sont souvent en perpétuelle évolution et c’est le fait d’atteindre le premier qui souvent en génère un second qui, au départ, pouvait paraître inatteignable.
• Le modèle des niveaux logiques (R. Dilts à l’origine, enrichi de deux niveaux par A. Thiry) me permet d’avoir une lecture plus globale des difficultés de chaque patient et donc une vision qui permet de prioriser les interventions de manière adaptée. Les difficultés de langage ne sont parfois que le symptôme ou la conséquence d’un problème plus profond et pour lequel je ne suis pas forcément la thérapeute la plus indiquée en première intention. Cela évite les prises en charge longues et peu efficaces puisque mal ciblées.
De plus, il n’est pas toujours facile de bien faire la part des choses entre ce qui est lié aux compétences, au psychisme, aux émotions, à l’environnement, à la motivation ou encore aux troubles développementaux. La plupart du temps, tout est lié et s’imbrique dans des cercles souvent vicieux.
Au-delà des stratégies d’apprentissage proprement dites, la PNL propose un grand nombre de modèles permettant de faire naitre ou augmenter de la motivation, de bien fixer ses objectifs, de trouver des ressources, gérer ses émotions ou encore de transformer les croyances limitantes. Tout cela autorise un champ d’action plus large que celui qui se limite aux simples capacités de langage. Cela me permet aujourd’hui, à travers une relation de confiance, d’essayer de créer le contexte le plus favorable possible à la mise en place et à l’entraînement des stratégies d’apprentissage et de ne plus me limiter au simple apport de techniques et d’outils pour améliorer le langage écrit ou oral.
En résumé, nous faisons aujourd’hui à deux, comme des partenaires chacun à l’écoute de l’autre, un travail que je faisais avant, moi l’adulte qui croyait savoir avec un enfant qui lui ne faisait que suivre.
C’est le patient qui fixe la destination, ce qui nous donne un cap, il n’y a pas de chemin tout tracé : c’est à moi, comme à lui de trouver celui qui est le plus adapté en fonction des obstacles qui se présentent. C’est comme une danse permanente qui n’est pas la valse à mille temps, mais qui comprend un grand nombre de figures potentielles souvent à improviser en partie pour s’adapter à ce patient unique.

3. les stratégies d’apprentissage : changements au niveau de la pratique

En tant que logopède, je vois un grand nombre d’enfants qui ont des difficultés de langage écrit, en lecture, comme en production écrite. Les causes de ces difficultés sont variées et vont du simple retard d’acquisition aux troubles développementaux tels que la dyslexie ou la dysorthographie, en passant par des difficultés attentionnelles, neuro-visuelles, mnésiques…
Formée également en gestion mentale, j’avais pour habitude de m’adapter aux préférences de l’enfant et de lui apporter des outils qui utilisaient son canal préférentiel. Une des grandes différences apportée par la PNL est de s’adapter, non à l’enfant, mais à la tâche : la nature fait bien les choses et a conçu un cerveau humain qui dispose de différents canaux pour ses stratégies mentales. Non seulement, ces canaux sont tous utiles, mais ils sont surtout plus ou moins efficaces en fonction de l’objectif à atteindre.
Pour mémoriser par exemple, l’utilisation du canal visuel est bien plus efficace que celle du canal auditif.
En français, il existe deux voies de lecture que l’on peut résumer par le schéma suivant :




La voie phonologique (à droite sur le schéma) est celle qui permet de déchiffrer tout mot nouveau. Le mot sera déchiffré une première fois, une seconde, …, x fois (variable selon les individus) et entrera dans le lexique orthographique.

Dès lors, il sera immédiatement reconnu, compris et prononcé à chaque analyse visuelle suivante.

La voie phonologique demande des opérations mentales conscientes et séquentiellement organisées, c’est pourquoi elle coûte en attention et en temps. De plus, elle ne déclenche pas forcément d’accès au sens, même lorsque le lien signifiant – signifié existe.

En revanche, mise à part l’analyse visuelle, la voie d’adressage (à gauche sur le schéma) implique des opérations mentales qui se passent en deçà de la conscience et qui sont donc automatisées et rapides avec un accès au sens systématique lorsque le lien signifiant - signifié existe.

Si la voie phonologique est indispensable pour pouvoir lire les mots nouveaux, elle est totalement inadéquate pour de l’écriture : il n’y a qu’une manière de déchiffrer « râteau », mais si on cherche à l’écrire en utilisant la voie phonologique, on peut potentiellement arriver à un grand nombre de possibilités (rato, ratto, ratau, ratos, râteau, ratteau, etc…) dont une seule est correcte. D’autre part, il est impossible d’apprendre par cœur l’orthographe d’un grand nombre de mots (avec un dialogue interne du type « râteau, r.a circonflexe.t.e.a.u », la mémoire serait vite saturée. C’est pourquoi, une orthographe lexicale correcte ne peut se baser que sur un bon lexique orthographique. Un enfant qui privilégierait le canal auditif pour de l’orthographe ne serait pas efficient.

Avec la stratégie de mémorisation en PNL, on peut apporter à un enfant demandeur et motivé un outil efficace quelle que soit l’origine de ses difficultés pour bien construire son lexique orthographique. Depuis 5 ans que je pratique cette méthode, le temps global d’une rééducation est divisé au moins par deux. Il est rare qu’un enfant soit suivi plus de deux ans, même grand dyslexique. Lorsque cela arrive, c’est souvent lié à la motivation qui n’est pas suffisante pour que le patient utilise et entraîne les outils.

D’autre part, la stratégie PNL de compréhension permet de vérifier la qualité de la représentation mentale de l’enfant et de ne pas passer à côté d’une confusion ou d’une compréhension approximative. Comme elle oblige l’enfant à revenir au concept premier, sans rester au niveau secondaire du code qu’est le langage, elle permet la prise de conscience d’approximations, de méprises ou encore d’incompréhensions réelles bien que le mot lui-même soit connu : en effet, un mot connu (accès au signifiant), n’est pas forcément un mot compris (lié au signifié). C’est une confusion que je rencontre souvent de la part des patients, voire de leurs parents et que je faisais moi-même avant. Cette différence est d’autant plus importante lorsque l’on explique des concepts abstraits tels que l’on peut rencontrer en grammaire.

Il existe aussi une stratégie de réflexion qui permet à l’enfant de maitriser un sujet à différents niveaux : le concept, la structure, la pratique et la pragmatique. Si je prends l’exemple de la conjugaison, il est important de savoir ce que c’est et à quoi ça sert, mais également de faire la différence en structure entre un mode et un temps, un participe passé et un infinitif, etc…

C’est encore autre chose de connaître concrètement les différentes terminaisons pour chaque verbe (hors contexte) et une quatrième enfin de choisir la bonne terminaison en fonction de la phrase et du récit.

4. le plaisir d’apprendre et d’enseigner

Enfin, au delà de l’efficacité, la pédagogie PNL apporte du plaisir à l’apprentissage.Du point de vue de l’enfant, l’explication théorique, le support théorique et surtout les applications sont plus motivants et ludiques :

Du point de vue de l’enfant, l’explication théorique, le support théorique et surtout les applications sont plus motivants et ludiques :

Théorie toujours expliquée à un niveau conceptuel « ce que c’est et à quoi ça sert » et mise en lien avec la vie présente ou future de l’enfant en tenant compte de ses valeurs importantes.
Support théorique construit ensemble avec un cadre qui impose ce qui doit y figurer absolument et interdit les choses inutiles, mais qui laisse à l’enfant la liberté de le représenter comme c’est le plus clair pour lui (choix des couleurs, de la taille du support, papier ou informatique, etc…).
Exercices dont seule la structure est imposée, le contenu pouvant varier en fonction des intérêts de l’enfant. Par exemple, pour travailler sur la mémorisation de l’orthographe, on impose à l’enfant les opérations mentales, mais il a le choix des mots à mémoriser (si c’est un judoka, il peut choisir, « kimono, ceinture, etc…).
Les exercices sont souvent pratiqués avec une alternance des rôles qui place l’enfant en situation d’interroger l’adulte lui aussi et de ne pas être le seul à être l’objet d’évaluation : l’acquisition d’une notion est tout aussi nécessaire à celui qui pose la question qu’à celui qui y répond et le rôle du « prof » fait tout autant travailler l’enfant que celui d’« élève », voire plus car il cherche souvent à interroger sur les parties les plus délicates, en espérant mettre l’adulte en défaut de réponse.
D’autre part, la pédagogie PNL redonne du sens au fait d’être enseignant car elle permet à l’envie de transmettre une matière que l’on aime, de trouver un terrain où s’épanouir dans la curiosité provoquée par l’adulte, et manifestée ensuite par l’enfant. Une belle relation en découle qui profite tout autant à l’un qu’à l’autre.

En conclusion :

Un jour, une petite patiente de 13 ans, après un an de rééducation m’a dit :

« Tu sais, maintenant j’aime bien les dictées… »

Dans cette petite phrase simple, résident toute l’efficacité et la finalité de la pédagogie PNL.

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